La crise sociale s’intensifie en Tunisie et les citoyens sont en proie à des conditions de vie parfois étouffantes. A peine sortis d’une saison estivale exigeante en matière de dépenses, ils ont été rattrapés par les coûts de la rentrée scolaire. Un fonctionnaire, père de famille de quatre membres, n’est plus en mesure de joindre les deux bouts, que dire des chômeurs et des personnes dépourvues ? Le gouvernement est-il conscient de la gravité de la situation ? Le Président de la République peut-il trouver les solutions urgentes et nécessaires pour éviter ce que plusieurs sociologues redoutent, une implosion sociale ?
C’est dans ce contexte que les formes de cherté de la vie s’aggravent en Tunisie. Produits de base, carburants, transport, télécommunication et autres, tout devient sujet à une hausse des prix parfois inexpliquée. Si le Président de la République, Kaïs Saïed, veut éradiquer la spéculation et le monopole, il faut aussi rappeler que cette crise résulte également des orientations de l’Etat tunisien qui se dirige bel et bien vers la levée des subventions et l’application des prix réels dans une tentative d’alléger les dépenses liées à la compensation.
En effet, conformément à un document présenté au Fonds monétaire international (FMI), la Tunisie s’est engagée dans une démarche de levée progressive des subventions. Cela impactera certainement les prix des produits de première nécessité et ne sera pas sans conséquences sur le pouvoir d’achat des Tunisiens. Cette situation serait une période transitoire vers un nouveau contexte social qui promet hausse des prix et inflation.
«Un pouvoir d’achat, ou ce qu’il en reste», disent les Tunisiens, sanctionnés par une crise sociale et une flambée des prix inédite. Il y a dix jours, le gouvernement a annoncé un réajustement du prix des carburants et du gaz liquéfié, après cinq mois de gel des prix, en approuvant des augmentations comprises entre 3% pour les carburants et 12% pour les bonbonnes de gaz de cuisine de différentes tailles. Il s’agit de la quatrième augmentation en 2022, et pour les autorités d’autres sont encore prévues.
Ainsi, le prix de l’essence sans plomb a augmenté de 70 millimes, portant le nouveau prix à 2.400 millimes. Les augmentations concernent également les prix des bonbonnes de gaz liquéfié, portant le prix d’une unité de 13 kg à 8.800 millimes, soit une augmentation de 950 millimes d’un coup.
Une démarche préméditée ?
Au fait, cette démarche a été explicitée dans le document des grandes réformes destiné au FMI et élaboré par l’actuel gouvernement. Selon les grandes lignes de ce programme, le gouvernement s’engage à mettre en place un nouveau système pour orienter la subvention vers ceux qui en ont besoin et d’adopter une démarche progressive pour réguler les prix sur une période de quatre ans, à partir de 2023, tout en décidant une révision progressive des prix des produits énergétiques.
Dans ce sens, le gouvernement s’oriente vers le passage progressif aux tarifs réels des hydrocarbures, avec la préservation du rôle de la Société tunisienne des industries de raffinage dans l’approvisionnement, l’augmentation des capacités de stockage et dans la sensibilisation à la consommation. Le document stipule, en outre, l’ajustement progressif des prix de l’électricité et du gaz, tout en prenant en considération la situation des catégories vulnérables.
Sauf que la hausse des prix concerne pratiquement tous les produits de consommation. Selon plusieurs témoignages, la grogne sociale est assez palpable notamment dans les rangs des familles les plus démunies.
Ce sont, notamment les prix des produits agricoles et alimentaires qui connaissent des augmentations récurrentes. Le président de la chambre syndicale des boucheries, Ahmed Amiri, a annoncé, d’ailleurs, qu’à ce rythme les prix des viandes rouges vont dépasser, d’ici deux mois, les 40 DT le kg.
Il a jouté que les prix actuels varient entre 30 et 36 DT le kg, atteignant les 40DT le Kg dans les grandes surfaces, sans oublier que les pièces de choix se vendent autour de 51.5 DT le kg.
Dans le secteur laitier, les différents producteurs revendiquent une augmentation des prix de vente à cause de la hausse des coûts de production. «Le coût de production d’un litre de lait s’élève à 1.600, tandis que l’éleveur le vend à 1.140 millimes et les producteurs n’ont pas reçu la prime de subvention depuis 15 mois», a indiqué dans ce sens le directeur de l’Unité de production animale auprès de l’Utap. Il a ajouté que les éleveurs «ont déjà commencé à réduire leurs troupeaux, en raison de la faible productivité et la hausse des prix des fourrages».
Vers une inflation à deux chiffres ?
Selon l’Institut national de la statistique (INS), l’inflation a confirmé sa tendance haussière, au mois d’août 2022, en augmentant encore une fois pour atteindre 8,6% après le taux de 8,2% enregistré en juillet dernier. Le taux d’inflation passe à 8,6%, après avoir enregistré 8,2% en juillet, 8,1% au mois de juin 2022 et 7,8% au mois de mai, alors qu’il n’était que de 6,7% au mois de janvier.
Ce nouveau taux d’inflation bat un nouveau record puisqu’en juillet 2022, il s’agissait déjà du taux le plus haut atteint depuis 31 ans. En 1991, la Tunisie avait atteint la moyenne annuelle de 8,2%. Cette hausse du taux d’inflation est expliquée essentiellement par l’accélération du rythme des hausses des prix des produits alimentaires (11,9% contre 11% en juillet), des prix du groupe meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer (11,3% contre 10,6% en juillet) et des prix des produits et services d’enseignement (10% contre 9,8% en juillet).
Face à cette situation de flambée des prix, devenus hors de contrôle de l’Etat, les sociologues redoutent le pire. Une explosion sociale qui mettra à mal les plans du gouvernement, appelé à gérer une crise socioéconomique sans précédent en Tunisie.